On me pose souvent la question: « Combien de temps passes-tu sur un tableau ? » …

Chacun de mes tableaux nécessite des mois de préparation. Des allers-retours innombrables entre la toile et l’idée que j’ai en tête du résultat final qui ne cesse d’évoluer…
Comme le sport, l’entraînement demande de la discipline et de la régularité … les pauses sont aussi nécessaires pour le corps comme pour l’esprit …
A partir du moment où l’idée a germé, la toile reste sous mes yeux en permanence, sur son chevalet, au milieu du salon. Elle me suit parfois dans la chambre … Au réveil, en passant le midi, j’ai parfois cette sensation de tenir le fil, je rectifie un détail sur la toile et je me sens mieux, j’avance …
Je ne peux être seulement « peintre »… ce n’est pas ma première activité et, définitivement, je ne pourrais être que dans le peindre: multiplier les activités me permet de ne pas imploser dans chacune. C’est comme fractionner le temps en unités dans lesquelles je suis pleinement absorbée, totalement dans ce que je fais…
La technique picturale que j’ai choisie ne me laisse pas l’occasion de m’abandonner, de me laisser porter par l’aléatoire… il faut surveiller le geste, vérifier l’opacité de la peinture au fil des couches, faire et refaire le cerne pour ne pas que le dessin disparaisse…
Degas pensait que « si peindre n’était pas si difficile, ce ne serait pas aussi amusant … »
Il y a de la douleur et de la joie…
Parfois je trouve la procédure exigeante, je rêve d’y trouver des raccourcis apaisants, une technique qui me permettrait d’éviter cette rigueur et puis, au fond, peut être fait-elle partie de ce que je suis…
Craig Hanna en parlait ainsi:
« C’est intéressant, quand je finis une peinture, c’est un sentiment unique, un sentiment de joie pure. Un sentiment que rien d’autre ne me procure… et pour ça je dois passer par la souffrance. »

Je crois beaucoup en ses paroles:
« La joie est un sentiment unique qui vient de l’effort. » (Craig Hanna)