Les histoires cachées de mes toiles

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Un tableau, une histoire: ÉCLATS d’ÉTÉ
17 mars 2025


Éclats d’été

 

Quinze ans.

Elle les entend rire.

Trop fort.

Trop proches.

Elle ne veut plus les voir.

La chaleur, les cris, les garçons.

Elle a senti leur regard glisser sur elle, descendre, s’arrêter. La fixer là.

Puis ce ricanement, un peu trop bruyant.

Elle est partie avant d’entendre la suite.

Elle s’est réfugiée au pied du mur brûlant, là où la pierre ronge le silence et où personne ne la chercherait.

De toute façon, les garçons, elle s’en fiche.

Elle n’aime que celui du livre.

L’Ami retrouvé. Carl.

Ce prénom roule sous sa langue comme un secret.

Elle le connaît par cœur, l’imagine comme s’il existait pour de vrai.

Elle passe et repasse son doigt lentement sur le portrait qu’elle a fait de lui,

effleure sa bouche, la courbe de son menton.

Son marque-page, son amulette.

Elle rêve de lui tellement souvent qu’il lui semble qu’ils s’appartiennent un peu.

La chaleur pèse sur son dos nu, écrasé sous le lourd molleton de sa serviette.

Elle sent le sel qui colle à ses cuisses, ses pieds en fusion sur l’asphalte, les grains de sable prisonniers entre ses orteils.

Un éclat de sueur glisse le long de son bras, comme une caresse invisible.

Elle ne sait plus si c’est le soleil ou la brûlure au creux de son ventre qui lui font tourner les pages plus vite.

Elle tourne trop vite.

Comme si elle pouvait le rattraper, l’arracher du papier, le faire vivre hors du livre, comme si elle pouvait le retenir.

Mais il s’échappe entre les lignes.

L’air est épais, saturé d’odeurs.

Le monoï sucré, l’écume marine, cette pointe métallique que la chaleur arrache à la pierre.

Tout vibre.

Elle lit et se consume.

Un vent passe, frôle sa peau, soulève une mèche de cheveux.

Ses lèvres sont sèches.

Elle mouille le bout de son index avant de reprendre sa lecture.

Dans le livre, il est face à elle, il lui parle, ses mots la happent, s’insinuent sous sa peau.

Ses jambes s’alourdissent, sa nuque s’offre à la morsure du soleil.

Tout son corps est tendu vers cette voix qui n’existe que dans sa tête.

Les cris des enfants, les vagues qui claquent contre le mur, les cigales hystériques… Tout s’éloigne, tout brûle et disparaît sous la chaleur.

Il ne reste que lui. Carl.

Le monde s’efface. Mais pas lui. Pas encore.

Un jour, elle lèvera les yeux.

Un jour, elle le cherchera ailleurs.

 

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